Guerre en Ukraine
Le 24 février 2022, les troupes russes stationnées à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne reçoivent l’ordre de la franchir et d’envahir l’Ukraine. Cet évènement, qui a provoqué la stupeur des dirigeants des pays développés, fait suite à une première initiative de l’armée russe en 2014 qui a déjà pris le contrôle de régions pro-russes, la Crimée et le Donbass. Nous ne traiterons pas, ici, les conséquences humaines ou diplomatiques, mais uniquement l’impact de ce conflit sur les marchés financiers internationaux.
Le premier élément notable est une flambée du prix du pétrole avec un pic atteint quelques jours après le début de l’invasion (le baril de Brent s’échange alors à 139$). La hausse des prix s’est également fait ressentir sur le gaz, le charbon, le blé, le maïs, d’autres ressources exportées par la Russie. Le renchérissement du coût de ses produits a conduit l’inflation à exploser depuis le début de l’année, sujet sur lequel nous reviendrons infra.
Postérieurement au conflit russo-ukrainien, l’industrie mondiale subissait déjà des pénuries de matériels ou des délais d’approvisionnement inhabituellement longs. L’invasion russe a accentué ce phénomène car de nombreuses pièces détachées nécessaires aux lignes d’assemblage sont produites en Ukraine ou transit par la mer Noire actuellement sous blocus Russe. La production mondiale de biens manufacturés risque donc de rester sous pression au cours des prochains mois. Enfin, il faut également indiquer que de nombreux pays africains dépendant des exportations de céréales russes et ukrainiennes sont au bord d’une crise alimentaire qui pourrait amener une certaine instabilité politique.
Changement de cap monétaire
Les banques centrales sont des institutions qui ont pour mission de piloter la politique monétaire d’un pays ou d’une zone partageant la même devise. Nous allons nous intéresser aux deux plus importantes à notre sens, la Federal Reserve (FED) aux Etats Unis et la Banque Centrale Européenne (BCE) pour la zone Euro.
Ces deux banques centrales prévoyaient avant la guerre en Ukraine de relever graduellement leurs taux directeurs afin de normaliser la politique monétaire qui était particulièrement accommodante depuis la crise sanitaire de la Covid-19, mais plus globalement depuis près d’une décennie. Le conflit russo-ukrainien a complétement rebattu les cartes en apportant beaucoup de pression sur l’inflation. Jérôme Powell, président de la FED, a donc ouvert le bal en annonçant les premières hausses des taux aux Etats-Unis. La Fed a commencé à relever ses taux pour ralentir la demande, 0,25% en mars, puis 0,5% le 4 mai et enfin 0,75% en juin, la plus forte hausse depuis 2000. Les taux directeurs sont désormais compris entre 1,50 et 1,75%. Christine Lagarde, président de la BCE, a annoncé une première hausse des taux pour l’été. Sur ces nouvelles anticipations, les taux d’intérêts des emprunts d’Etat à long terme ce sont particulièrement tendus.
Performance des marchés financiers
Dans ce contexte particulièrement délétère, les marchés actions internationaux ont reculé de manière coordonnée. Nous pourrons noter la forte baisse du NASDAQ (actions technologiques américaines) qui perd 30% depuis le début de l’année, mais aussi l’Eurostoxx50 (actions européennes) ou le CAC 40 (actions françaises) qui reculent respectivement de -20% et -17%.
Les emprunts d’Etat à long terme qui nous servent de baromètre obligataire ont, eux aussi, pâti de la modification du contexte monétaire. Les taux d’emprunts à long terme des grands pays développés tels que la France, l’Allemagne, les Etats Unis et le Japon ont progressé. L’indice américain des emprunts d’Etat à échéance 7/10 ans reflue d’environ 10%.
Le premier semestre s’est donc caractérisé par une configuration qui rappelle celle de 2018, où aucune des classes d’actifs traditionnelles prises au global ne permettent de protéger son portefeuille, seules alternatives : le fonds en euros et les liquidités pures tirent leur épingle du jeu dans un tel environnement. A ce stade, nous pensons que cette configuration ne va pas perdurer plus d’un an. La hausse des taux longs reste malgré tout capée par l’endettement généralisé des grands pays développés. Une hausse trop importante de la charge de la dette intérieure pourrait conduire à une crise de la dette souveraine comme celle que nous avons connu en 2011 et les banquiers centraux ne possèdent plus les mêmes marges de manœuvres qu’alors. De plus, la hausse des taux heurte l’économie, ce qui pourrait conduire à une éventuelle récession. Nous ne pouvons pas exclure le scénario d’une inflation qui serait amenée à s’installer dans la durée, même si, de notre point de vue, cette hypothèse n’est pas la plus probable Un tel mécanisme amènerait beaucoup plus de pression sur les marchés et toujours pas d’actifs refuges pour s’en prémunir, à part peut-être les obligations d’Etat indexées à l’inflation.