CE QU’IL FAUT RETENIR : en cas de donation d’un usufruit déjà constitué à titre viager, l’usufruit s’éteint à la mort du donateur et non du « nouveau » donataire de l’usufruit.
L’article 595 alinéa 1 dispose que l’usufruitier peut céder son droit à titre gratuit. L’article 617 du Code civil dispose quant à lui que l’usufruit s’éteint notamment par la mort de l’usufruitier.
C’est par la combinaison de ces deux articles que la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 05 janvier 2023, précise qu’en cas de donation d’un usufruit déjà constitué à titre viager l’usufruit s’éteint à la mort du donateur et non à celle du donataire.
Avant de rentrer dans le détail des explications, un petit rappel des faits s’impose pour votre parfaite compréhension.
Une veuve donne à ses deux filles et à son fils la nue-propriété de ses droits sur des actifs immobiliers dépendant de la communauté ayant existé avec son conjoint prédécédé. Vingt ans plus tard, elle donne à son fils l’usufruit desdits immeubles. Elle était titulaire de cet usufruit, moitié pour se l’être réservé à la suite de la première donation, moitié en qualité d’héritière de la totalité de l’usufruit des biens dépendant de la succession de son époux.
Un an après la seconde donation, la donatrice décède, laissant ses trois enfants. Des difficultés étant survenues au cours des opérations de partage des successions du couple, les deux filles assignent leur frère en partage de l’indivision successorale et en paiement d’une indemnité au titre de l’occupation des deux immeubles.
La Cour d’appel de Montpellier a rejeté la demande de fixation d’une indemnité au titre de l’occupation au motif que le fils a la qualité d’usufruitier et ce même après le décès de sa mère donatrice.
Autrement dit, la Cour d’appel a considéré que le fils ayant reçu l’usufruit des actifs demeure usufruitier jusqu’à son propre décès. Certes, il bénéficiait d’un droit de jouissance, l’usufruit, avant le décès de sa mère, mais cela signifierait également que ces deux sœurs, nues propriétaires, ne verraient pas se reconstituer la pleine propriété avant des années. Or, d’après la première donation, portant sur la nue-propriété, elles devraient être pleines propriétaires au décès de leur mère.
Censure de la Haute Juridiction : la qualité d’usufruitier du fils disparait avec le décès de sa mère, première usufruitière.
Autrement dit, il s’agit de l’application du principe selon lequel nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a lui-même. Une fois le démembrement intervenu, l’usufruitier ne peut pas à son tour constituer un usufruit successif sur le bien, qu’il soit temporaire ou viager. Il ne peut que céder son propre droit. La donation (ou cession) ne modifie donc pas la durée de l’usufruit, qui reste celle qu’il avait lors de sa constitution, soit le plus souvent celle de la vie du premier usufruitier.
En effet, à défaut, cela mettrait les nus propriétaires dans une situation quelque peu délicate : celle de voir le risque que la pleine propriété ne se reconstitue jamais sur leur tête en présence de nouveaux usufruitiers (qui plus est si ces nouveaux usufruitiers sont plus jeunes) !
En revanche, un usufruit successif peut parfaitement être constitué postérieurement au démembrement par le nu-propriétaire, mais ne prendra effet qu’au décès du premier usufruitier.
Civ. 1re, 5 janvier 2023, n° 21-13.966 ; arrêt n° 1, FS-B
Rédigé par Hélène Voisin, le 26 avril 2023.