Paiement différé des droits de succession : sur la nue-propriété avec intérêts de retard ou sur la future pleine propriété sans intérêt de retard ?

Lors du décès d’une personne, ses héritiers doivent s’acquitter des droits de succession sur les biens reçus. Cependant, le Code général des impôts (CGI) prévoit des mécanismes pour différer le paiement de ces droits dans certaines situations, notamment lorsqu’il y a démembrement de propriété (usufruit et nue-propriété).

Cela est souvent le cas en présence d’un conjoint survivant et d’enfants (communs ou en présence d’une donation au dernier des vivants) où le conjoint peut opter pour l’usufruit de tout ou partie des biens de la succession et les enfants ne reçoivent alors que la nue propriété de ces biens.

Ainsi, au moment de la déclaration de succession, les héritiers peuvent demander à obtenir l’autorisation de différer le paiement des droits de succession au décès de l’époux usufruitier, dans la limite de 6 mois à compter de la réunion de l’usufruit et de la nue propriété.

Les héritiers peuvent alors choisir entre deux options pour le paiement différé des droits de succession :

  • Taxation sur la valeur de la nue-propriété avec intérêts : les droits sont calculés sur la valeur de la nue-propriété au jour de l’ouverture de la succession, avec des intérêts annuels ajoutés jusqu’au moment du paiement ;
  • Taxation sur la valeur de la pleine propriété sans intérêts : les droits sont calculés sur la valeur de la pleine propriété des biens à la date du décès, mais sans intérêts.

La Cour de cassation, par une décision du 13 mars 2024, a mis en lumière l’irrévocabilité de cette option de paiement différé.

Autrement dit, au moment du décès de l’époux usufruitier, les héritiers nus propriétaires ne peuvent pas revenir sur leur décision et opter pour la seconde option.

En l’espèce, les héritiers ont demandé à bénéficier du paiement des droits sur la pleine propriété sans intérêt. L’Administration a accepté leur demande, en leur indiquant que les droits de mutation s’élèveraient dans ce cas à la somme de 508 134 euros au lieu de la somme de 288 772 euros liquidée dans la déclaration de succession.

Les parties ont finalement décidé, par la suite, de modifier leur demande initiale, en faveur cette fois de la deuxième option une taxation sur la valeur de la nue propriété, majorée des intérêts au taux légal. La Cour de cassation a rejeté leur demande de modification en affirmant que le choix de l’option est irrévocable. L’arrêt précise : « L’option offerte au contribuable […] implique un choix irrévocable du contribuable. »

Les Implications de l’irrévocabilité

  • Irréversibilité : Une fois l’option choisie, elle ne peut être modifiée. Les héritiers doivent assumer les conséquences de leur décision initiale.
  • Prévisions financières : Les héritiers doivent planifier financièrement selon l’option choisie, sans possibilité de réajustement ultérieur.
  • Intérêts cumulés : Dans le cas d’une taxation avec intérêts, les héritiers doivent être prêts à payer des sommes potentiellement plus élevées à long terme. Inversement à court terme, le démembrement sera généralement plus avantageux pour les nus propriétaires et sera fonction de l’âge de l’usufruitier.

Conclusion

L’irrévocabilité de l’option de paiement différé des droits de mutation par décès, confirmée par la Cour de cassation, rappelle aux héritiers l’importance de faire des choix éclairés et stratégiques dès le début du processus de succession.

Cette décision souligne la nécessité d’une consultation approfondie avec des conseillers fiscaux et juridiques pour évaluer toutes les implications avant de finaliser une option. En matière de succession, chaque décision a des conséquences durables, rendant indispensable une préparation rigoureuse et une compréhension claire des mécanismes

Rédigé par Hélène Voisin

Le 11/07/2024